Ces derniers temps, Marie a enrichi son bestiaire en Mizuhiki d’une grue, qu’elle décline en diverses créations. Blanche au contour de plumes noires, elle évoque la grue du Japon, aussi appelée grue de Mandchourie, un oiseau chargé d’une très forte symbolique. Évoquant le Yin et le Yang, la grue est symbole de fidélité, de prospérité, de longévité, et plus généralement, un oiseau de bon augure. Il n’est donc pas un hasard que la grue soit au Japon à l’origine de nombreuses légendes, ni que dans l’art de l’Origami, elle soit un incontournable.
D’ailleurs, à propos de légendes et d’origami, connaissez-vous ces deux histoires ?
La grue reconnaissante
Un soir d’hiver, une grue fut prise au piège d’un chasseur dans un marais. Elle fut secourue par un vieil homme qui vivait avec sa femme dans une cabane au milieu des bois. Ce couple était pauvre et sans enfant. Le soir-même, ils reçurent la visite d’une jeune fille perdue dans la nuit. Ils la recueillirent et l’adoptèrent, tandis que cette dernière leur fabriquait de magnifiques étoffes les mettant à l’abri du besoin, contre la promesse de ne jamais l’observer lorsqu’elle tissait. Mais, inquiets de la voir s’affaiblir dangereusement à chaque nouvelle étoffe brodée, ils manquèrent à leur promesse et regardèrent dans la pièce. La jeune fille n’était autre que la grue secourue par le vieil homme, qui créait les étoffes en s’arrachant les plumes avec son bec. Ainsi découverte elle fut contrainte de s’en aller, la mort dans l’âme.
L’avez-vous reconnue cette histoire ?
Oui, c’est celle de la Sirène prise dans le filet d’un pêcheur que l’on trouve en Bretagne, ou bien elle s’approche de celle de Mélusine dont le secret ne doit pas être découvert.
Dans beaucoup de civilisations on retrouve le thème de l’être magique ou de l’animal reconnaissant, dont le secret ne doit pas être percé ou trahi : il s’agit des contes AT554 dans la classification d’Aarne-Thomson-Uther.
Un Senbazuru pour la paix.
Mais voici à présent l’histoire, véridique et tragique, née de la légende des mille grues. Le Senbazuru, la légende des mille grues, dit que si vous réalisez une guirlande de mille grues liées entre elles en origami, vous pourrez émettre un vœu de santé, de longévité ou de bonheur. Ce vœu doit être adressé pour une personne en particulier, qui doit garder la guirlande avec elle, et une prière doit être dite à chaque grue réalisée. Moins de gens participent à la création de la guirlande, plus le vœu sera puissant.
Sadako Sasaki était une petite fille née en 1943 à Hiroshima, et qui vivait à environ deux kilomètres de l’épicentre de l’explosion au moment du bombardement nucléaire de la ville le 6 août 1945.
Bien que n’ayant sur le moment apparemment pas souffert de l’explosion, la petite fille tomba malade à l’âge de onze ans. On lui diagnostiqua une leucémie, qui à l’époque était presque systématiquement fatale, et elle fut admise à l’hôpital de la croix rouge d’Hiroshima. Là, une camarade de chambre lui raconta la légende des mille grues et la petite fille décida de se confectionner un Senbazuru avec l’aide de sa famille et en utilisant tous les papiers qu’elle pouvait trouver, y compris les étiquettes de ses bouteilles de médicaments.
Elle mourut néanmoins le 25 octobre 1955 en n’ayant confectionné que 644 grues. Mais ses amis et camarades de classe prirent le relais pour finir la guirlande. Puis une souscription nationale au Japon permit de lui ériger un monument, une cloche de béton au sommet de laquelle se trouve une statue de l’enfant ouvrant les bras pour laisser une grue d’or prendre son envol.
Ce monument se trouve au parc pour la paix d’Hiroshima, entouré de vitrines dans lesquelles se trouvent des milliers de grues en Origami envoyées par des enfants du monde entier.
A sa façon, le Senbazuru de la petite fille lui a donné une forme d’immortalité, en faisant d’elle un symbole de mémoire et d’espoir de paix, dont le monde a bien besoin aujourd’hui.
Une telle force symbolique et poétique ne pouvait pas laisser notre Fée-Cygne indifférente.
Pour aller plus loin :
Nous vous recommandons deux livres de contes et légendes japonais, accessibles aux enfants, dans lesquels se trouve la légende de la grue reconnaissante :
Fables et Légendes Japonaises, Ippei Otsuka, aux éditions YNNIS (tomes 1 et 2)
Pour ce qui est de l’histoire de Sadako Sasaki, elle connaît de nombreuses déclinaisons, plus ou moins romancées ou enjolivées, le mieux est donc d’aller sur le site qui lui est dédié :
https://sadakosasaki.com
Vous y trouverez notamment des patrons de grues en origami, si vous voulez en faire envoyer à vos enfants au parc pour la Paix d’Hiroshima.